Toussaint Louverture, à l'origine Toussaint de Bréda, du nom de la plantation de canne à sucre dans laquelle il est né (vers 1743), est un général haïtien qui a lutté toute sa vie pour l'indépendance d'Haïti, qui s'appelait à l'époque Saint-Domingue, et non pour l'abolition de l'esclavage comme on l'a souvent pensé (ce mérite-là revient à Victor Schœlcher).
Contrairement aux autres esclaves, il jouit d'une position privilégiée et n'est pas maltraité comme ses compagnons. Il est, par exemple, alphabétisé (il sait lire et écrire, ce qui est rare à l'époque lorsqu'on était esclave). Mais il faut reconnaître que les conditions d'esclave à l'époque ne sont pas brillantes. Explications.
La France et d'autres pays profitent de la traite des Noirs pour s'enrichir de produits rares et précieux venant d'Afrique. Les personne chargées d'acheter les esclaves offrent à certain chefs de tribus africaines des produits de peu de valeur contre des captifs. Ces derniers sont ensuite vendus plus ou moins chers selon leurs qualités physiques.
Dans son conte philosophique Candide, Voltaire décrit assez bien la vie des esclaves, comme en témoigne cet extrait : "Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe".
L'on n'hésitait pas à mutiler les esclaves, voire quelquefois à les marquer au fer rouge. Une anecdote particulièrement effroyable nous décrit l'horreur de l'esclavagisme.
Les colons blancs, par exemple les maîtres de plantations de canne à sucre, vivaient dans de jolies maisons et employaient comme domestiques des esclaves, en toute logique. Un soir qu'une famille de colons organisait une réception, une esclave laissa brûler le rôti qu'elle devait servir pour le dîner. En guise de représailles, on l'invita à entrer dans le fourneau pour se faire griller.
Après leur achat, les esclaves étaient ensuite déportés sur des îles, dans des conditions effroyables. Ils étaient entassés sur des bateaux, quelquefois 600 personnes. Cet effroyable commerce porte le nom de "commerce triangulaire", pour la simple et bonne raison que les bateaux naviguant sur la mer formaient un triangle entre l'Afrique, où les esclaves étaient achetés, les Amériques, où ils étaient vendus, et l'Europe, où les négriers revenaient chargés d'or et d'épices. Il y eut bien des révoltes, mais peu d'entre elles réussirent. De plus, la mauvaise hygiène des bateaux provoquait des épidémies.
En France, la situation est très agitée : c'est la Révolution Française. Mais à cette époque, l'abbé Grégoire, l'une des principales figures de la Révolution, se bat pour l'abolition de l'esclavage… et il y arrive ! En 1794, l'esclavage est aboli. C'est un véritable triomphe !
Mais les colonies ne veulent pas appliquer ces principes. Les esclaves se révoltent, et ces tentatives de soulèvement sont violemment réprimées. Une figure majeure va alors apparaître : la mulâtresse Solitude. Elle galvanise les troupes, bien qu'elle soit enceinte.
Malheureusement, elle se fait arrêter et pendre. Ironie de l'histoire, on a voulu attendre qu'elle accouche pour la juger.
Toussaint se fait alors remarquer pour sa bravoure et son ingéniosité aux combats. Il abandonne son nom de Toussaint Breda pour Toussaint Louverture, ce qui soulignerait son aptitude à percer une brèche dans les armées ennemies.
Lors de la période de révoltes assez trouble qui se déroule, Toussaint rallie l'armée espagnole pour combattre à Saint-Domingue. Rappelons que cette armée voulait rétablir l'esclavage : Toussaint a un peu trahi sa patrie.
Au final, Toussaint rallie quand même les troupes françaises. Les Espagnols livrent Saint-Domingue à la France. Une page vient de se tourner.
Sur la scène politique française apparaît un homme, l'ennemi juré de Toussaint tout au long de sa vie : Napoléon Bonaparte. Celui-ci va, en 1802, poussé par le contexte de l'époque et par sa femme Joséphine, née en Martinique dans une famille de colons qui employait des esclaves, rétablir l'esclavage. C'est un coup dur pour Toussaint et pour les noirs.
Suite à un concours de circonstance, Toussaint est nommé général de division. Au fil du temps, et après avoir renvoyé Sonthonax, un révolutionnaire prônant l'abolition de l'esclavage et la liberté des esclaves, qui lui faisait de l'ombre, Toussaint dirige presque personnellement l'île.
Étonnamment, Toussaint rétablit les mêmes valeurs que sous l'Ancien Régime en France : le divorce est interdit, une sorte de Cour s'établit autour de lui, dont, d'ailleurs, de nombreux Blancs font partie.
Cette forme de gouvernement s'inspire également de la Révolution, puisque Toussaint écrit une Constitution, calquée sur celle de Napoléon mais prônant l'égalité des Noirs et des Blancs.
En mars 1801, Toussaint envahit la partie espagnole de l'île. Napoléon, qui voulait la paix entre la France et l'Espagne, est outré et envoie une armée prendre l'île, sous le commandement du général Leclerc.
Malheureusement, la guerre ne se déroule pas bien et Toussaint est défait. Il capitule et est enfermé dans sa résidence.
Toussaint est ensuite déporté en France, sur le navire La Créole et emmené au fort de Joux, dans le Doubs. Il y meurt le 7 avril 1803, d'une pneumonie. Les Français avaient tout fait pour l'user physiquement et moralement, en le laissant croupir dans sa geôle.